​​​​Antoine Guillaume // plasticien
Mouvances, traces et trouures
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Depuis quelques années, mon travail de peintre questionne la fragmentarité de l’image, son autonomie et sa recomposition. Très tôt dans mes recherches, j’ai utilisé des morceaux de peintures découpées, mises les unes sur les autres afin de faire naître, dans ces décalages, ces fragments, de nouvelles images peintes.
Ce parcours de « peinture collage » m’a amené à réaliser un large travail sur le tressage et le voilé/dévoilé. Les peintures sur lesquelles j’ai travaillé alors, étaient systématiquement découpées en bandes et tressées, architecturées entre elles et tendues sur châssis, en vue d’obtenir une réapparition de nouvelles images.
Ces processus créatifs sont sans nul doute apparus suite à mes travaux en gravure, et surtout en lithographie, que j’ai pratiqués à la sortie des Beaux Arts de Paris.
Quant à la « cousure », je l’ai entreprise à l’aide d’une machine à coudre Singer pour remplacer la colle que j’utilisais auparavant.
Mes collages sont devenus des « cousures ».
Ma manière d’utiliser et de travailler le support a changé.
Le support est maintenant peint, dessiné, encré, cousu, créant une nouvelle matière se superposant à la première.
Le support est ensuite morcelé en petits carrés plus ou moins identiques en fonction de l’effet recherché. Ces pièces fragmentées alors rassemblées et recousues, donnant de nouvelles formes de peinture.
Ce processus de fragmentation peut se répéter à l’infini créant de la densité et de l’excessive différence entre la partie et le tout.
Le fil en noir et blanc ou en couleur me sert non seulement pour assembler mais aussi pour dessiner, et architecturer. Ce n’est pas une simple ligne, ni un contour mais par delà le vide qu’il cerne, ce fil détermine du rythme et du mouvement.
Le fil, visible ou non, reliant les espaces et les diverses surfaces devient le véritable vecteur de mon travail. Le fil met l’accent sur l’importance des articulations.
Dans mes peintures, les découpes créent le vide et le plein, le dehors et le dedans suggérant des sortes de territoires.
Le fil souligne des intervalles de temps et d’espace, donnent souffle à ma peinture et rendent visible la trace d’un mouvement suspendu.
De coupures en coutures, de morcellements en assemblages, de « trouures » en « cousures » ainsi se dessinent et ondulent mes peintures qui libérées du châssis, se sont écartées de la cimaise jusqu’à s’en abstenir.
Ainsi, les « trouures » et « cousures » venant ponctuer l’espace et créant des volumes, elles deviennent mobiles ; le fil qui les traverse de point en point donne alors trace à des ondulations mouvantes, variant selon les supports utilisés.
J’utilise trois types de supports.
- Le Tyvek, matériau synthétique non-tissé, fabriqué à partir des fibres de polyéthylène est pour moi le support le plus adéquat.
Il est tout aussi important que les papiers que j’utilise. Sorte de papier moderne, il intervient dans mon travail depuis plusieurs années.
- L’écorce du mûrier, matériau qui a le grain et la texture du bois, ainsi que la souplesse du tissu, me permet d’avoir un fini dense. Je le peins le plus souvent en noir.
- Le papier japon, matériau délicat, fragile puisque généralement assez fin et aux teintes subtiles répond à un temps plus récent de mes recherches.
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Mes recherches actuelles sur les traces les empreintes et les mouvances, ainsi que sur l’inachèvement et l’ambiguïté du voilé-dévoilé mettent en avant le déjà plus et le pas encore.
Mes plus récentes peintures-cousures s’ouvrent sur de nouveaux champs d’expérimentations et me questionnent sur la façon de présenter mon travail pour mieux le faire voir et entendre.
J’ai été conduit à me demander : comment présenter mes peintures.
Elles peuvent être suspendues, accrochées, étalées ou roulées-dévoilées telles des sortes d’Emaki, rouleaux d’images racontant une histoire et où la perspective change au fur et à mesure du déroulement.
Dans cette recherche sur un dispositif de présentation, je m’attache à éviter les perspectives générales et à multiplier, les points de vues et les déplacements.
Peindre pour moi implique un cheminement qui crée mon propre chemin inconnu et énigmatique et travaille par le voilé-dévoilé un déroulement qui fait entendre le temps et l’espace.
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Paris 2012